Medicaland 1
INTRODUCTION
Je réalise un peu tard que je ne vous ai jamais réellement parlé d'un autre monde auquel je rends souvent visite, Medicaland... Niveau émotions fortes et découvertes en tous genre, cela vaut presque Justicialand, avec pour seule différence des sentiers nettement mieux balisés. Mô, Marie, Athie, ne m'en veuillez pas mais avouez que Dame Justice se pare de bien des mystères. En médecine, et en particulier dans une clinique, tout est plus prévisible... Paradoxe, me rétorquerez-vous ? Oui et non. Je pense que ça tient au simple fait qu'il y a moins d'intermédiaires et que les événements possibles ne sont pas aussi variés que lors d'un dossier judiciaire. Il y a d'autres raisons, sans doute et je les évoquerai peut-être plus tard.
Allez, pour l'heure, je vous entraîne dans mon séjour quatre étoiles ! D'abord, si je vous présentais le palace où je dors entre deux balades dans le parc d'attractions où les acteurs et employés sont quasiment tous habillés de blouses blanches ?
La chambre qu'on m'a réservée est conforme à ce que l'on peut espérer dans un si luxueux endroit, encore que je regrette le lit à baldaquins et la cheminée ancienne qui me semblaient de mise. Ceci dit, ne mégotons pas plus avant, c'est la crise, mes bons amis et il faut bien accepter quelques restrictions à mon train de vie ordinaire ! La pièce reste confortable et spacieuse et la vue offerte par les deux grandes fenêtres sur le parc ou la cime des arbres est appréciable.
Nestor le majordome ( bon, modernité oblige, c'est un Nestor exotique, au prénom rappelant lesverte délicates saveurs du thé à la menthe et des épices...) vient régulièrement toquer à ma porte,. lançant un chaleureux « room service !» d'un ton interrogateur en guise de salut. Il apporte avec célérité les repas dont je regrette qu'ils ne soient pas sous cloche d'argent. La crise, toujours... D'autres personnages me rendent visite ; Allez, puisqu'il faudra bien préserver leur anonymat, je vais les rebaptiser avec les prénoms de la petite maison dans la prairie, histoire de m'amuser un peu. En plus, ça leur va bien : il y a Charles Ingalls, l'homme toujours plein d'entrain et sage à ses heures perdues à ce que j'ai pu constater, Caroline, mère nourricière au regard rempli de tendresse et je viens de croiser Laura, espiègle et énergique. Pour un peu je tendrais un violon au premier, un tablier à la seconde et je tirerais les nattes de la dernière. Tous sont aux petits soins pour moi mais... j'ai la vague impression d'être un chouïa maternée. Il faudra que je leur rappelle à l'occasion que je sais lacer mes chaussures toute seule.
Hier soir, un de ces groooms fort attentionnés m'a tendu une petite pilule pour la nuit. Mauvaise idée, sauf à estimer que provoquer un demi-sommeil halluciné soit une grande et belle chose. Je m'en suis ouverte au brave homme qui m'invita dans sa demeure. Il en a été bien entendu fort marri. On verra ce soir s'il aura su arranger ce petit rituel. Et cet après-midi, je m'apprête à mettre les pieds dans le parc d'attractions, section art thérapie... Je vous en dis des nouvelles à mon retour !
I ART THERAPIE ou ERGOTHERAPIE
Vous vous souvenez de vos cours d'art plastique de primaire-collège ? Eh bien l'art thérapie c'est ça mais en mieux ! Matériel de bonne facture, papier et toiles à foison, Pinceaux dont je me demande s'ils sont en poil de vison, rien ne manque à qui voudrait se découvrir l'âme d'un grand artiste. Autour de la table, quelques patients... euh pardon : clients fortunés de l'hôtel, s'appliquent à crayonner, peindre ou modeler selon leur envie, sous l'oeil bienveillant de la maîtresse d'école. Yvon, jeune homme studieux placé en face de moi, tire un bout de langue en signe d'intense concentration. Plus loin Camomille, la quarantaine débonnaire, trace à fins traits de pinceaux le contour d'un immeuble de style futuriste néo gothiquo-roman (spéciale dédicace à Monseigneur qui s'arrachera les cheveux à imaginer le résultat visuel d'une telle oeuvre). Et juste à côté de moi, Milord, splendide specimen de la gent masculin, fait lui preuve d'un réel talent en triturage d'argile. Sincèrement, le résultat est convaincant. En voilà au moins qui n'aura pas perdu de temps en s'inscrivant à la halte garderie !
Tout à coup, Yvon appelle la nounou qui anime notre séance de gribouillages. Et là, il ne faut pas m'en vouloir mais toute charité,athée, chrétienne, musulmane ou de quelque confession que ce soit, m'abandonne. Enfin non, un sursaut de bonne volonté me retient, je ne sais comment, de partir dans un fou rire nerveux qui ne demande qu'à s'exprimer face au spectacle que j'ai sous les yeux : mon camarade, qui, il n'est pas inutile de le préciser, a grosso modo mon âge (réel, pas mental, pour les petits malins qui se risqueraient à soulever ce point!) et suit un cursus de sciences politiques, mon camarade, donc, se met à décrire son dessin à la dame, tel un bambin fier de son premier collier de nouilles. Le bonhomme à trois jambes, le soleil triste avec lunettes mais-pas-de-soleil-parce-qu'il-pleure, tout y passe. Courage, Leitha, ne cède pas à tes instincts cyniques... ou plutôt si, cèdes-y plus tard, bien au chaud dans ta chambre... au chapitre suivant !
Note : inutile de me demander de montrer ce que moi-même j'ai pu faire comme chef-d'oeuvres j'ai pu créer pendant cet intéressant atelier... c'est non ! Je tiens à ma dignité...