Feuilleton : Erinye

Publié le par Leitha

 Chapitre 1

 

Cet après-midi là, Nathalie savourait une sonate pour violon, un plaid vert émeraude roulé en boule serré contre elle. La musique l'emmenait derrière ses paupières closes loin du salon richement meublé et décoré qui semblait écraser sa frêle silhouette. Cela faisait si longtemps qu’elle vivait seule dans cet immense manoir que la jeune femme ne prêtait plus attention au décor luxueux dans lequel elle évoluait. De la même façon, pouvoir se servir en ce XXIème siècle d’un gramophone en parfait état de marche ne lui semblait en rien extraordinaire. Nathalie Gorgon n'avait nulle intention de céder à la modernité et à la haute technologie. Le réconfort d'une existence atypique semblait suffire à sa tranquillité d'esprit.

Ce ne fut qu’à la fin du morceau que la sonnerie de l’entrée retentit, vieux grincement semblant arraché à un âge plus reculé encore que l’invention de la musique. Ce fut comme un contrepoint moqueur à l’harmonie précédente. Le retour à la réalité ne sembla pas s’inscrire immédiatement sur le visage de Nathalie qui finit par secouer la tête d'un air profondément agacé, puis attrapa ses béquilles posées à terre avec une lenteur toute calculée. D'un pas plus que mesuré, elle alla à la porte ouvrir à l'importun visiteur.

Sur le seuil, un vieil homme d'assez belle allure lui faisait face. De longs cheveux blancs encadraient un visage lisse, pâle et sans expression. Son corps musculeux donnait à voir le résultat d'une grande activité physique. Nathalie, béquilles croisées, dévisagea le visiteur, un petit sourire en coin aux lèvres. Il souriait lui aussi

  • Bonjour, Nathalie ! J’espère que je ne te dérange pas.

  • Ernst... Comme toujours, vous avez agi avec la plus grande correction en attendant la fin de la musique pour me solliciter. Pour répondre à votre question, effectivement vous me dérangez. Ceci étant, c’était gentil de demander…

  • C’est la moindre des choses. M’inviteras-tu à entrer ou laisseras-tu un pauvre vieillard souffreteux dehors ?

  • Le choix est difficile... Dommage qu'il soit purement virtuel ! Venez.

D’un geste de tête, Nathalie invita Ernst Melakiel, l'illustre professeur de littérature antique reconnu dans tous les cercles universitaires, à la suivre. Elle clopina à travers un long corridor aux murs ornés de tableaux représentant pur la plupart des scènes ou des personnages de la mythologie gréco-romaine. Le portrait de Zeus métamorphosé en taureau pour séduire la belle Europe était encadré d'argent et côtoyait une toile représentant le jugement de Parîs. Héra, Athéna et Aphrodite étaient en arc de cercle devant un jeune berger à l'air égaré qui tenait dans sa main une pomme d'or. En face, Héphaïstos capturait Aphrodite et son amant le dieu de la guerre, Arès, dans un filet de mailles serrées... Le dernier tableau, suspendu juste avant la porte du grand salon, était en revanche recouvert d'un drap noir, qui à en juger par la poussière qui le parsemait, n'avait pas été retiré depuis belle lurette.

 

En parfaite maîtresse de maison, Nathalie guida son hôte qui n'en avait nul besoin au salon et lui désigna un fauteuil de cuir blanc, le plus confortable. Il obéit avec reconnaissance et s’installa avec un soupir d’aise tandis qu’elle s’affairait auprès d’une armoire à alcool dont elle sortit un flacon rempli d’un liquide bleu et deux verres à liqueur. D’une main sûre, elle disposa ces éléments sur une petite table roulante qui, quoique semblant ancienne, était munie d’un système électronique, une des seules concessions à l'ère actuelle dans ces murs, lui permettant de se mouvoir sans être poussée par une main humaine. La télécommande à la main, Nathalie ferma soigneusement l’armoire et tourna la clé dans la serrure. Sans se retourner vers Ernst, elle demanda.

  • Je vous propose un verre d’Erenia ?

Le visage de l’homme sembla d’un seul coup se vider du peu de sang qui y circulait. Il protesta avec un sourire forcé.

  • Non, je te laisse ton breuvage. Un simple whisky me conviendrait mieux.

  • Je comprends. Bien sûr…

Elle sortit une autre bouteille du meuble et la posa délicatement, comme s’il eût agi d’une relique sainte et non d’une dose de Jack Daniel’s, sur la table roulante qu’elle envoya vers Ernst. Sans doute n’avait-elle pas réellement voulu la faire piler net sous le nez de celui-ci. Ou peut-être bien que si. Sans broncher, il se servit mais laissa prudemment la liqueur bleue de côté. Il attendit que Nathalie eût fini de verrouiller l’armoire, patiemment. Elle le rejoignit et vint s’asseoir face à lui. La jeune fille fit durer le plaisir et ne se pressa pas pour déboucher le flacon et verser une très petite dose de liquide azuré dans son verre. Puis elle se désintéressa des boissons. Le regard perdu dans le vague, elle se renversa en arrière, appréciant la douceur de ne plus être en mouvement, de pouvoir reposer ses jambes torturées. Elle passa la paume de sa main sur un accoudoir et s'autorisa briévement à caresser rêveusement l'idée de jeter dehors Ernst Melakiel. Avoir la paix, juste une soirée, était un songe séduisant mais restait un songe. Un mouvement de colère la saisit tandis qu'elle se rappelait mentalement à l'ordre. Au moins, qu’on lui accorde un morceau de réalité, loin des masques de la vie quotidienne. Elle inspira profondément et se prépara à l’affrontement inévitable. Un miaulement aigu, comme un piaillement, l’arracha une seconde à sa concentration. Maïa, une chatte blanche grasse à l’excès, venait de grimper sur le sofa et reniflait sa main, comme pour quémander une caresse. La jeune fille accéda à la requête insistante et passa distraitement sa main sur la tête de l’animal. Elle revint ensuite à ses affaires, résolument.

  • Très bien, Ernst. Ces civilités accomplies, si vous pouviez en venir rapidement au but de votre visite, sans m'obliger à une fastidieuse pêche aux informations…

  • Oh Nathalie, ma petite… Ne peux-tu concevoir que je veuille simplement prendre des nouvelles d’une amie ?

Se redressant et plantant son regard dans celui, gris trouble, d’Ernst, Nathalie répondit en détachant chaque mot.

  • Impossible. Ne serait-ce que parce que je ne suis pas votre amie.

  • Tu es dure.

  • Vous êtes décidé à ne pas m’accorder de répit. Navrée de ne pas jouer le jeu. Je ne suis pas d’humeur à jouer la comedia dell’arte.

  • Ma parole, tu ne laisses pas place au badinage aujourd’hui !

  • Vous comprenez vite quand vous vous en donnez la peine, Ernie ! Alors ?

Ernst se carra dans son fauteuil et fit pensivement tourner le whisky dans son verre en bon amateur du breuvage alcoolisé. Il en avala une gorgée avant de parler.

  • Si je peux me permettre, tu t’en tires de mieux en mieux avec tes béquilles. Tu m’en vois ravi. Tu donnes vraiment le change, sais-tu ?

  • Ernst… Au fait !

Il leva les mains en signe d’apaisement.

  • Bon, bon ! Tu sais que j’enseigne la littérature antique à la faculté voisine.

Nathalie, exaspérée, fit mine de se lever, arrachant une plainte indignée à la chatte. Elle respira profondément et se rassit, évitant un coup de griffe de la bête furieuse. D’un ton polaire où se mêlaient ironie et amertume, elle répondit.

  • Comment pourrais-je oublier ce détail ? Je vous signale que j’ai été une de vos élèves les plus assidues durant quelques mois… avant que vous n’ayez l’idée saugrenue de vous intéresser à moi. Allez, Ernie, supprimez les passages inutiles !

  • J’ai actuellement dans ma classe un élève qui… m’intrigue. Il a un fort potentiel mais se refuse à tout effort.

Avec un ricanement sans joie, la jeune fille fit mine de s’étonner.

  • Comment ! Vous qui avez enseigné si longtemps, vous ignorez ce qu’est l’étudiant de base ? Laissez-le faire l’idiot, vous ne vous en porterez pas plus mal et lui non plus, croyez-moi. Pourquoi s’occasionner des migraines avec un gamin qui ne vous fera pas la grâce de vous rendre la pareille sur sa copie ?

Melakiel accepta la répartie avec une grimace avant de continuer.

  • Il a vraiment quelque chose, un don caché, tu sais. Simplement, il s'est bloqué et refuse l’autorité.

  • Oh pitié, ne me sortez pas le couplet du pauvre bambin qui s’autodétruit parce qu’il se sous-estime. C’est bon pour les téléfilms à petit budget, ça. A moins que…

Elle s’arrêta, incapable de mettre en mots l’idée terrifiante qui venait de lui traverser l’esprit. Elle se força néanmoins, dans l’espoir insensé d’entendre un démenti qu’elle savait au fond ne pouvoir obtenir.

  • A moins que vous ne vous intéressiez également à ce jeune homme… de la même manière que pour moi jadis.

  • Tout juste ma chère.

  • On y arrive enfin. Vous voyez, quand vous voulez !

Ernst vit dans les yeux glacés de Nathalie la lueur de doute se transformer progressivement en éclats de pure haine. Cela ne dura guère. Trois secondes seulement furent nécessaires à son interlocutrice pour se repasser mentalement le début du film d’horreur dans lequel on l’avait propulsée actrice contre son gré.

 

Nathalie rangeait ses livres dans son lourd sac à dos, heureuse, irrésistiblement heureuse. Un cours fascinant venait de s’achever. Un bref instant d'oubli de la douleur quotidienne lui avait été offert. Tant qu'elle était plongée dans les mystères du polythéisme grec, elle ne pouvait penser à rien d'autre. Les légendes d'un lointain passé, portées par la voix du professeur Melakiel, lui apportaient le réconfort d'un monde où une prière, un sacrifice, résolvaient tout problème. Dans cet univers [onirique] nulle place pour le hasard, ce hasard qui frappait hélas si cruellement dans la vie réelle.

Vie réelle qui reprenait doucement ses droits après cette brève bouffée d'excitation. Du bonheur intense ressenti, ne resta au bout de quelques minutes qu’un souvenir. Le soir allait tomber bientôt puisqu'on était en plein hiver. Et le soir amenait la douleur. Nathalie jonglait depuis plus de trois ans avec la maladie et la souffrance et elle avait mis en place une multitude de petits rituels rassurants… pour sa famille. En ce qui la concernait, la peur d'une mort prochaine ne pouvait s'effacer plus de quelques heures de son esprit. Aux autres, elle offrait un visage relativement serein et souriant. Mais au fond, depuis le début de l'année scolaire, elle gardait sa véritable affection pour un être qui n'était pas de ce monde. Elle avait élu comme ange gardien imaginaire le personnage si peu apprécié des citoyens grecs dans l'antiquité : Charon, le passeur, celui qui menait les âmes ayant acquitté le droit de passage vers les terres d'Hadès le seigneur du royaume des morts. C’est lui qu’elle priait chaque jour, non comme ce Dieu omnipotent qu’on lui servait à toutes les sauces depuis qu'elle était malade et promise à un prochain trépas, mais comme un ami qui allait l’accompagner vers le plus difficile des voyages.

 

Sans s’en apercevoir, Nathalie s’était rassise à sa table, à sa place, et pleurait en silence. Elle releva vivement la tête lorsqu’une main se posa sur son épaule. C’était Monsieur Melakiel, son professeur. Il la fixait avec un étrange sourire.

  • Tu m’as appelé…

Ces mots préfigurèrent le basculement dans un autre univers.

Nathalie s’ébroua et écarta d’un geste impatient de la main les images d’un trop lointain passé. Elle savait désormais pourquoi Melakiel était venu et pourquoi il avait mis tant de soin à retarder la confrontation. La dérobade aurait été tentante pour son hôtesse si, cette fois encore, elle avait été seulement possible. Néanmoins si les faits étaient inchangeables, l’éclairage qu’on leur donnait, lui, pouvait être modifié. L’infirme avait peu de pouvoirs mais elle avait au moins celui d’imposer quelques règles au vieillard fourbe et cruel qui lui faisait face. Elle se leva, cette fois précautionneusement pour ne pas déranger Maïa aux griffes toujours sorties. La chatte lui renvoya un ronronnement de remerciement. Nathalie prit ses béquilles et marqua chaque pas, chaque infime poussée de douleur, jusqu’à un buffet de marbre sur lequel trônait une corbeille remplie de menue monnaie. Elle y piocha quelques pièces et revint lentement vers le sofa sur lequel elle se laissa lourdement tomber. Elle apprécia brièvement de sentir peser sur elle le regard rempli d’inquiétude de Melakiel. Un bruit métallique rompit le silence. Elle venait de lâcher une pièce aux pieds du vieil homme qui sursauta, les yeux exorbités. Nathalie prit une voix caressante.

  • C’est dur de résister, n’est-ce pas, Ernie ? Comme un brave toutou tu es dressé pour réagir à ce doux son de l’obole versée.

Une autre pièce rejoignit la première au sol, puis une troisième, une quatrième. A chaque tintement, Melakiel tressaillait. Mais la jeune fille continuait à verser au sol son argent, implacablement concentrée. Elle continuait à parler, à la fois enjôleuse et acide.

  • Tu vas devenir fou si tu te contiens plus longtemps. Allez, nocher, ramasse le prix du passage ! Obéis à ta nature, vieillard sénile ! tu en seras soulagé et moi aussi. Ne m’oblige pas à prononcer ton véritable nom, tellement haï des mortels.

Melakiel se tenait à présent la tête à deux mains et souffrait visiblement le martyr. Cela n’emporta pourtant pas la pitié de Nathalie qui lui jetait maintenant directement au visage ses dernières munitions.

Soudain, tout sembla se figer. Le silence régna durant une interminable minute. La jeune fille suspendit un dernier geste, satisfaite et bizarrement soulagée. Elle attendait avec impatience l'intrusion de la vérité dans cette scène factice, dans ces mots et ces gestes trop maîtrisés par deux acteurs blasés.

D’une main tremblante, Ernst Melakiel saisit une des pièces et la serra dans son poing. Il était revenu en effet à sa vraie nature, celle d’un être éternel, universellement méprisé : Charon le nôcher1, chargé de mener les morts de l'occident et d'une partie de l'orient vers les terres d’Hadès. Son costume et sa cravate s’étaient évaporés, pour être remplacés par de sombres haillons et une sébile. Le décor autour d’eux avait également changé. Une partie du luxueux salon avait cédé place à la berge sinistre du plus grand fleuve des enfers, le Styx. Une sourde rumeur émanait des âmes en peine errant sur la rive faute de pouvoir acquitter le droit de passage sur les eaux grises remplies des morts oubliés que personne n'avait su honorer ou qui s'étaient suicidés. Le vieil homme au cœur de pierre repoussait les spectres qui l'assaillaient avec une détermination désespérée. Certains ramassaient les piécettes restées à terre et les tendaient au passeur, qui d’un grognement acceptait l’obole. Les gémissements lugubres effacèrent le silence qui avait précédé. Nathalie laissa échapper un soupir et se transforma à son tour. Ses jambes déformées se couvrirent d’une étrange peau grise et les pieds devinrent serres. Les bras de l’adolescente se parèrent de plumes blanches et rouges et ses mains s’agrémentèrent de griffes acérées. De larges ailes de chiroptère2 lui poussèrent dans le dos, se frayant doulouresement un passage à travers la peau. Charon, épuisé par les assauts des perdus, poussa un cri de colère.

  • C’est donc cela que tu voulais ? Es-tu contente, enfant du sang de Mégère ?

  • Pas tout à fait… Combien d’errants ai-je pu aider ? murmura ce qui était Nathalie.

  • Quelques-uns…

  • C’est un bon début. Et si nous continuions notre agréable conversation, passeur des morts ?

  • Puisque tu me forces à reprendre le travail plus tôt que prévu, il va falloir écourter.

  • Enfin !

  • Revenons à mon jeune disciple… qui va devenir le tien.

Charon essayait de remettre un peu d’ordre dans la meute d’âmes qui lui faisait face et il entama avec difficultés.

  • Fabien…

Un coup d’œil assura au nocher que Nathalie, toute absorbée par le lissage de ses plumes, l’écoutait à peine.

  • … C’est son nom, tant qu’à faire, tâche de le retenir , lui signala-t-il nonchalamment, espérant une réaction quelconque. Voyant que c’était peine perdue, il continua.

  •  Fabien, donc, est un garçon charmant. Bon, je t'accorde qu'il est un peu original. Il s’imagine tout connaître de Sophocle parce qu’il a lu un magazine sur le complexe d’Œdipe.

  • Ah, on avance. Il lit. Brave petit ! Le cas n’est pas si désespéré, donc.

Charon se rendit et finit par avouer d’une voix froide.

  • Le fait est que sans le savoir, il est voué à devenir un immortel… Un Ange pour être exact.

La descendante de Mégère eut un ricanement déplaisant.

  • Un Ange ? Les critères de sélection ont-ils tant changé pour le recrutement des serviteurs des dieux ? Je n’ai jamais apprécié ces créatures sans émotions mais de là à imaginer qu’un crétin certifié soit voué à entrer dans leur ordre…

  • Il doit avoir en lui quelque chose de particulier. Je te rappelle que je ne fais que transmettre ou appliquer les directives de nos maîtres. Et celles-ci étaient claires. Je devais approcher ce garçon, te le confier pour que tu le purifies et que tu le prépares à son destin et te le reprendre afin d'achever son apprentissage.

Nathalie savait tout ce qu’impliquaient ces fameuses directives. Et elle avait ô combien conscience qu’il n’y avait aucun moyen de ne pas s’y soumettre. Aussi, elle se concentra sur les paroles de Charon et l’ordre de mission qu‘il lui édictait. Perchée sur la branche basse d’un arbre noir et tordu, elle écoutait avec un flegme affiché. Pourtant, au fur et à mesure, la rage, la colère et la suspicion firent entendre dans son esprit des grognements de plus en plus insistants. A la fin du long monologue de son compagnon, entrecoupé de pauses lorsque le passeur était en difficulté avec son troupeau, elle fit un simple geste de la main pour l’inviter à terminer. Charon ne tenta même pas d’éluder la question muette.

  • Oui tes obligations habituelles sont toujours d’actualité. Et justement tu devais rendre visite ce soir à un nouveau client. Et demain, après ta première rencontre avec Fabien, tu te rendras à la clinique Sainte-Garde, au service pédiatrique.

Un rire dénué de toute gaieté secoua le corps de Nathalie. Il ne fallait pas s'attendre à un allègement de son emploi du temps.

Revenue se poser au sol elle s’apprêtait à franchir l’intangible porte qui lui permettrait de se rendre dans son salon, loin des bords du grisâtre fleuve Styx et loin des âmes perdues, puis se retourna une dernière fois vers Charon.

- Pour ton apprenti chérubin, dis-lui de frapper à ma porte à sept heures du matin demain. Je n’aurai aucune tolérance et s’il est en retard, qu’il s’attende au pire. Je n’aime pas jouer à un jeu dont les règles changent sans arrêt. Je suis la descendante de Mégère, et vous voulez me confier un jeune homme pour lui montrer l’envers du monde humain et le préparer à endosser l’uniforme d’un groupe que depuis l’aube des âges, ma famille méprise. Te connaissant, je suis persuadée que tu ne t’es pas donné la peine de chercher entre les lignes. De plus, je n’ai aucune inclination pour le rôle de baby-sitter. Je risque de te le rendre en sale état. Pour terminer sache et transmets cette bonne parole que je mets deux conditions à ma participation à cette mascarade. La première et non négociable : contrairement à moi, je tiens à ce que mon élève ait vraiment le choix de traverser le voile. Ensuite, quoi qu’il se passe, quoi que tu m’aies caché, je rends mon tablier et mon bavoir si on me fait la moindre blague, s’il venait à l’un de vous l’idée de me mettre les bâtons dans les roues.

Charon ne contint plus sa colère face à ce reproche cinglant.

  • Oublierais-tu c’est moi qui t’ai tout appris, que je suis ton mentor ? Éructa l'immortel.

La réponse fusa de l’autre côté du voile, un murmure rempli d’amertume :

  • Oublierais-tu jusqu’à quel point tu m’as manipulée afin de le devenir ? Tu n’as plus rien à m’enseigner désormais !

Charon eut un soupir et s’éloigna lentement, chuchotant pour un public de spectres, à défaut de ne plus pouvoir s’adresser à celle qui venait de s’en aller…

  • Je n’ai pas eu le choix. Tu es une…

1Nocher : celui qui conduit une barque, une noche.

2Chauve-souris.

 

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A
<br /> Je dois honteusement avouer qu'il me reste encore quelques pages à lire..<br /> <br /> Et tu me connais, je ne donne jamais mon avis avant d'avoir toutes les cartes en main!<br /> <br /> <br />
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L
<br /> Mmhh<br /> <br /> rendez vous dans dix ans ?<br /> <br /> <br />
J
<br /> Coucou<br /> LA suite??? Merci pour ce morceau en tout cas<br /> bisous<br /> <br /> <br />
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L
<br /> Mais de rien, la suite ? Si tu es sage, ous peu<br /> <br /> <br />
M
<br /> Bonsoir Jeune Fille,<br /> Cela augure bien. Dire que vous aviez envisagé de ne pas nous montrer cela... Que les dieux vous gardent, Fille du Tartare.<br /> <br /> <br />
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L
<br /> Eh, j'ai toujours eu une vocation d'Hells Angel !<br /> <br /> <br />
A
<br /> La suite...<br /> <br /> Euh, ben non j'ai le privilège de la connaitre!!!<br /> <br /> <br />
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L
<br /> sans que j'aie eu ton avis *<br /> <br /> <br />